COMMENT SE SONT CREUSEES LES VALLEES GLACIAIRES ?
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Nous proposons ci-dessous une hypothèse permettant, à la lumière des observations que nous avons faites sur le terrain, d'expliquer le creusement des vallées glaciaires.

Plaçons-nous au maximum d'une glaciation (phase 1).

La surface du glacier se situe alors, nous l'avons dit, à quelques dizaines de mètres au-dessus de la partie supérieure des épaulements. On observe fréquemment, en effet, sur les ressauts plus inclinés qui dominent les épaulements, des stries ou des roches moutonnées, fait corroboré d'ailleurs par les observations des chercheurs suisses.
Pour fixer les idées, nous avons adopté dans toute notre étude le chiffre de 50 mètres, valeur approximative et qui devra, bien entendu, être précisé par des études ultérieures.
Les eaux de circulation internes du glacier coulent à une centaine de mètres en dessous de la surface et sont alors en contact avec l'épaulement.
À ce moment, aucune moraine ne peut se déposer sur celui-ci, qui est noyé sous les glaces, non plus que sur les pentes qui le dominent, compte tenu de leur raideur.
De toute manière, d'éventuels dépôts sur ces pentes supérieures seraient emportées par l'érosion postglaciaire.

Puis le niveau des glaciers baisse et ne dépasse plus que faiblement l'altitude de l'épaulement (phase 2).
Une moraine peut alors se déposer sur l'épaulement lui-même, si la longueur de celui-ci dans le sens d'écoulement de la glace est suffisante.
Des dépôts peuvent également avoir lieu sur le flanc aval de l'épaulement si la pente du terrain n'y est pas trop importante.
Bien que la plus grande partie des eaux de fonte d'un glacier circulent sous sa surface, d'autres écoulements, moins importants, se produisent près des rives, provenant, en partie, de la fonte des névés latéraux.
Ces écoulements de surface creusent alors des sillons dans les dépôts recouvrant tant l'épaulement que son versant aval. Ainsi peut être expliquée la formation des sillons marginaux d'épaulement et de pente.

Les mêmes phénomènes peuvent se rencontrer au franchissement d'un col de diffluence, donnant naissance cette fois aux sillons de diffluence.

Le niveau du glacier baissant encore (phase 3), il en est de même des eaux de fonte du glacier , qui continuent à s'écouler le long du flanc de la vallée.

On pourra s'étonner d'une relation aussi étroite entre les altitudes de surface d'un glacier et celles des épaulements qui jalonnent sa vallée. Pourquoi, lors du pléniglaciaire, la surface du glacier se place-t-elle toujours légèrement au-dessus de la partie supérieure de ceux-ci.
Ce point d'interrogation disparaît si l'on admet que les épaulements eux-mêmes ont été sculptés par l'écoulement des eaux sous-glaciaires.
Certains auteurs estiment que les glaciers ne sont pas capables de creuser une vallée, mais seulement d'en polir les flancs.
Nous plaçant dans cette ligne, nous estimons possible que la plus grande partie du creusement d'une vallée a été effectuée, non par la glace, mais par les eaux sous-glaciaires. Celles-ci agissent au cours d'une glaciation, à des niveaux variables, fonction du niveau de la surface du glacier elle-même. On connaît en effet le pouvoir d'érosion important de ces eaux très chargées en éléments solides.
Le glacier n'ayant stationné à son niveau maximum que pendant une partie de la glaciation, les eaux de circulation internes n'ont pas disposé de la durée suffisante pour terminer leur tâche. Elles se sont limitées à dégager les épaulements, creusant des sillons rocheux à la surface de ceux-ci. Une glaciation ultérieure plus importante pourra peut-être terminer le travail de creusement, créant à son tour des épaulements à un niveau supérieur.

On remarquera que cette manière de voir permet d'expliquer la forme des vallées, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'hypothèse d'auges emboîtées.
On connaît cette théorie, qui explique la présence des épaulements en supposant qu'à une glaciation importante succède une autre où le niveau des glaces était inférieur.
Le fond d'auge de la dernière glaciation se situe donc alors à un niveau inférieur à celui de la précédente.
Cette hypothèse nous paraît en contradiction avec ce que nous connaissons de l'écoulement des glaces, qui ont tendance à remplir la totalité de la largeur d'une vallée.
De plus, l'importance de la dénivelée entre les fonds d'auge des deux glaciations est en général tel que la glaciation le plus ancienne aurait dû, dans les plaines de piémont, s'étendre beaucoup plus loin que la plus récente, ce que l'on ne constate pas dans la réalité.

Il faut bien garder à l'esprit que la montagne n'est pas un bloc homogène de pâte à modeler, qu'elle comporte des alternances de roches de duretés différentes.
Le schéma ci-dessus doit donc être interprété localement en fonction de la nature des roches qui en constituent les versants et qui peuvent en atténuer l'aspect un peu trop géométrique.