ALTITUDE DE SURFACE DES GLACIERS DU BASSIN DE LA DURANCE
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Cette page comprend :

- Un tableau regroupant les caractéristiques des sites des vallées
- Un graphique donnant l'altitude de ces sites en fonction de leur éloignement du vallum terminal würmien
- Des commentaires sur un certain nombre de sites remarquables des vallées
- Une carte des environs du col du Lautaret
- Une carte des environs du col de l'Échelle (Vallée de la Clarée).



Sites caractéristiques de la vallée de la Durance (Repérés D) .....

L'origine des distances se situe à 7 km en amont de Sisteron, à l'altitude 570m.
Les altitudes ont été majorées de 100 m pour les sites de sillons rocheux et de 50 m pour les roches moutonnées et les sites de sillons vallonnés.
La courbe de surface du glacier würmien a été calculée à l'aide de la formule de Nye-Lliboutry.




..... de ses affluents (Repérés DA) .....



..... de la Vallée Étroite (Italie) (Repérés VE) .....



.....et de la vallée du Guil (Repérés G)



Sites caractéristiques des vallées de la Durance et de ses affluents
Note importante commune à tous les graphiques :
En application des règles exposées à la page "Altitude atteinte par les glaciers" et pour permettre le report sur un même graphique de tous les sites quelle que soit leur nature, les altitudes ont été majorées de 100 m pour les sites de sillons rocheux et de 50 m pour les sites de sillons vallonnés et les roches moutonnées.
Les surfaces pléniglaciaires sont représentées en tiretés.


On voit que les points relatifs à la Durance(D, marqués en rouge) se placent correctement par rapport à la courbe jusqu'à Saint-Martin-de-Queyrières, où la vallée présente une étroiture.
On peut voir également qu'en amont du confluent avec l'Ubaye, aucune variation de pente de la surface glaciaire n'est décelable.



LE GLACIER WURMIEN DE LA DURANCE
On sait [Gidon et al, 1991] qu'il ne reste aucune trace du vallum frontal würmien dans le lit de la Durance mais que, au maximum glaciaire (stade du Grand-Bois), celui-ci devait se situer quelques kilomètres au nord de Sisteron (altitude estimée du front du glacier = 570 m).
Un stationnement prolongé un peu plus en amont nous a légué le beau vallum frontal du Poët.

La largeur de la vallée en amont de Sisteron - 10 km, avec seulement deux rétrécissements à 3 et 4 km - permet d'appliquer la formule loin en amont, au moins jusqu'au rétrécissement de Saint-Martin -de-Queyrières.
Celle-ci montre qu'à Gap, les glaces atteignaient 1450 m au stade du Grand Bois et 1400 m à celui du Poët.
Au nord de cette ville la diffluence du glacier au-dessus du col Bayard se traduisait par l'existence d'une selle glaciaire vers 1500 m d'altitude au stade du Grand Bois et 1450 m à celui du Poët. L'examen des moraines dans les environs de Gap confirme plutôt cette altitude de 1450 m [Gidon et Monjuvent, 1969].
On peut par ailleurs remarquer que le glacier würmien n'est jamais passé par le col de Moissière (1571 m) où subsistent des dépôts glaciaires rissiens.
Une autre branche du glacier empruntait la vallée de la Durance par Serre-Ponçon, trajet plus court de 7 km que celui passant par Gap.
Ici la vallée est plus étroite (1,5 à 2 km) et les effets de paroi se faisaient sentir, majorant la pente de surface du glacier. Nous utiliserons donc, pour appliquer la formule, les distances mesurées en suivant le sillon de Gap, ainsi que nous y autorisent d'ailleurs les vérifications que l'on peut effectuer quelque peu en amont.
En effet, rive droite de la Durance, au-dessus d'Embrun, une petite moraine latérale porte la cabane forestière de Pré Clos à l'altitude de 1830 m (site D2), soit exactement la cote que donnerait la formule appliquée à un glacier ayant sa langue terminale au Grand Bois, à 7 km en amont de Sisteron, les distances étant mesurées le long du sillon de Gap.
Une autre confirmation de la validité de l'application de la formule est fournie par l'existence, sur la rive opposée de la Durance, d'une moraine latérale à l'entrée de la vallée de Crévoux, dans la forêt du Méale (site D1). Comme celle de Pré Clos, elle est située dans un site protégé et son altitude est, à 10 m près, celle prévue par la formule (1820 m).
Le graphique ci-dessus regroupe les différents points caractéristiques de la vallée de la Durance.
On voit que, jusqu'à Saint-Martin-de-Queyriéres, les points - marqués en rouge - se placent remarquablement bien par rapport à la courbe déduite de la formule - la vallée présente en effet partout une largeur suffisante - et que les vallonnements du col des Combes (site D6), se sont formés lors d'un stade de retrait.
Plus en amont, les dépôts du Mélèzin (site D11) se situent au-dessus de l'altitude calculée, sans doute à cause d'une zone à effet de paroi vraisemblable à Saint-Martin-de-Queyrières où la largeur de la vallée s'abaisse à 2,5 km.
À Briançon, l'altitude du glacier würmien devait être égale ou légèrement supérieure à 2150 m.



L'EXTENSION MAXIMUM DES GLACIERS DANS LA VALLEE DE LA DURANCE
Il ne reste plus trace du vallum frontal de ce glacier dans la vallée même de la Durance, et, en l'absence de crêtes morainiques bien marquées, il n'est pas possible de connaître de façon certaine le niveau du glacier.
Une détermination approchée est cependant possible, grâce à quelques dépôts glaciaires qui subsistent
- au col de Moissière, près du col Bayard (altitude maximum des dépôts 1750 m)
- à Jubi, sur le versant sud de la montagne de Saint-Genis, à 800 m d'altitude
- au-dessus du col de Faye (versant nord de la même montagne), à 1030 m
- à Clamensane (près de la Motte-du-Caire), à 830 m [Gidon et al. 1991].

Les vallées sont partout assez larges pour que l'on puisse utiliser la formule, mais l'altitude exacte du front du glacier nous est inconnue.
Nous avons cependant tenté un essai de reconstitution de la surface glaciaire compatible avec la situation de ces quatre dépôts et avec ce que nous connaissons de l'avancée maximum du glacier du maximum dans les vallées affluentes.
La solution qui nous semble la plus vraisemblable est la suivante : la moraine frontale du glacier de vallée devait se situer entre le confluent Bléone-Durance et Château-Arnoux, à une altitude de 500 à 550 m.
La formule donne alors pour cote de surface du glacier rissien à Gap 1650 m, soit 200 m au-dessus de celle du glacier würmien, chiffre plausible compte tenu de la relative proximité du vallum frontal.



Reste à déterminer lors de quelle glaciation les glaciers ont atteint cette extension maximum.
L'ensemble de la documentation existante attribue cette extension maximale au Riss et c'est l'option que nous avions prise dans les éditions précédentes de cette page.
Il semble toutefois, sur la base des récents travaux de Gilles Brocard (2003), qu'une autre interprétation soit possible et que les sites qui figurent sur les tableaux et sur la carte ci-dessus puissent être datés d'un Würm ancien, entre 60 et 75 ka.
Le lecteur intéressé pourra se reporter à la page Glaciation responsable du modelé glaciaire



LES AFFLUENTS DE LA DURANCE
En amont de Briançon, il devient difficile de déterminer quelle est la glaciation responsable des formes rencontrées : les vallées deviennent trop étroites pour que la formule puisse s'appliquer et les moraines susceptibles d'être datées font défaut.
Notons toutefois que, à plus de 100 km des fronts glaciaires, les altitudes des surfaces des glaciers rissien et würmien devaient, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, être assez peu différentes.

Dans les vallées de la Guisane et de son affluent le Petit Tabuc, les sites que nous avons pu identifier, joints à ceux de la Haute Romanche, nous permettent de penser que la selle glaciaire du col d'Arsine émettait, ainsi que nous l'avons dit plus haut, deux flots de glace :

- L'un d'eux rejoignait la vallée de la Guisane par le Petit Tabuc
- Le second, qui suivait le cours de la Romanche, envoyait lui-même, par le col du Lautaret, une diffluence en direction de la Guisane.


Les environs du col du Lautaret



La différence des altitudes des sites sur les deux versants du col du Lautaret laisse à penser qu'au Riss ainsi qu'au début du Würm, l'altitude du col était nettement supérieure à sa valeur actuelle.
Lors de la dernière décrue glaciaire la diffluence du Lautaret, qui n'intéressait que la partie supérieure du glacier de la Romanche, a logiquement pris fin assez rapidement, alors que les glaciers de vallée étaient encore assez actifs.
Ceci permet d'expliquer deux particularités du relief local :
- le faisceau de sillons vallonnés de la rive droite du vallon de Roche Noire, au-dessus de la galerie de la Marionnaise (site DA13). La fin de la diffluence du Lautaret, marquée par le façonnement du vallon du col à 2057 m a permis l'établissement de ces sillons de la Marionnaise, situés à la même altitude, par un processus un peu semblable à celui qui a créé la moraine de Coste Longue (Haute vallée du Drac) après que la diffluence de l'appareil durancien par le Collet ait pris fin .

- la position, en rive gauche de la Guisane, de la Casse du Casset, formée de blocs de granite du Pelvoux sans matrice [carte géologique Briançon au 1/50000].
L'absence de matrice laisse à penser qu'il s'agit là d'un éboulement d'une des rives du glacier du Petit Tabuc, transporté sans modification de granulométrie jusqu'au front de cet appareil qui, après disparition de la diffluence du Lautaret, venait mourir contre la rive gauche de la Guisane.

On voit enfin qu'au pléniglaciaire ce glacier du Petit Tabuc se raccordait à celui de la Guisane par une chute de séracs haute de 300 mètres environ entre les sites des Planes du Dégoulou (D10) et Sous la Latte (D14).



VALLEES DE LA CLAREE ET VALLEE ETROITE
Dans les environs du col de l'Échelle (vallée de la Clarée), la circulation des glaces se révèle assez complexe.
Les éléments en notre possession sont les suivants :
- les dépôts glaciaires du versant sud du col des Thures (site DA5) provenant de l'amont de la Vallée Étroite [Lemoine, 1994]
- les faisceaux de sillons vallonnés suivants :
- de Tête Noire (site DA4) : altitude 2250 m, orientation générale 140 °
- de la Côte Névachaise (site DA7) : altitude 2240 m, orientation générale 60 °
- de la Vallée Étroite (site VE1) (en Italie, vers la borne frontière 45), orientation générale 60 °
- de la Selletta (site VE2), en Italie également, orientation générale 90 °
- et surtout les cannelures que l'on peut observer vers le sommet de la Côte Névachaise (site DA6, altitude 2271 m). Sur ces calcaires dolomitiques, l'érosion postglaciaire a fait disparaître les éventuelles stries mais respecté les cannelures, plus marquées dans la roche. L'orientation générale de ces figures est de 60 degrés environ, très différente de celle des plans de stratification et leur origine glaciaire est donc certaine.

Nous proposons le schéma de circulation des glaciers suivant, qui respecte au mieux les éléments présentés ci-dessus.



LES ENVIRONS DU COL DE L'ECHELLE

Une partie des glaces de la haute Vallée Étroite franchissait le col des Thures, à une altitude voisine de 2450 m pour rejoindre la vallée de la Clarée. La partie supérieure de cette diffluence franchissait l'arête Tête Noire - Aiguille Rouge pour emprunter le col de l'Échelle et se retrouver ainsi en Vallée Étroite, en amont du Mélèzet, vers 2250 m d'altitude.
La pente du glacier de la Vallée Étroite entre 2450 et 2350 m était en effet plus importante, dans cette vallée large d'un kilomètre seulement - la Vallée Étroite mérite bien son nom - que sur le col des Thures, large de 1,2 à 1,5 km.
Enfin par une autre diffluence, la partie supérieure des glaces transitant par le col de l'Échelle s'en échappait vers le nord-est en franchissant la Côte Névachaise en direction de la Vallée Étroite.
Les glaciers sont représentés en blanc, le relief émergé en grisé.
Les flèches bleues indiquent le mouvement des glaces.
A l'appui de cette proposition, on peut souligner que les vallées mortes des cols des Thures et de l'Échelle présentent toutes deux un profil en long classique de diffluence, avec leur versant en légère pente dirigé :
- d'Italie en France pour le col des Thures
- de France en Italie pour celui de l'Échelle.


VALLEE DU GUIL
Affluent de la Durance à Guillestre, le Guil ne nous a livré que 11 sites caractéristiques.
Les schistes lustrés qui forment l'essentiel des terrains du Queyras schisteux, à l'est de Château Queyras, sont en effet peu propices à la conservation du modelé glaciaire.
Il est donc difficile de présenter une esquisse d'ensemble, mais il nous semble probable que la surface du glacier devait dépasser quelque peu 2500 m au-dessus d'Abries.
Nous signalerons toutefois les magnifiques sillons vallonnés du Sommet Bucher (G6), peut-être les plus caractéristiques - et les plus accessibles - de tous ceux que nous avons décrit au cours de cette étude.


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