DETERMINATION DE LA GLACIATION RESPONSABLE DU MODELE GLACIAIRE
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RISS OU WÜRM ?

Tout au long de cette page, de même qu'à maintes reprises dans notre site, nous utiliserons fréquemment le terme de « glacier du maximum », ainsi que celui d'« extension maximum des glaciers ».
En effet, de nombreuses formes de dépôt ou d'érosion datent visiblement d'une période glaciaire plus ancienne que ce qui était admis jusqu'à présent pour le Würm.
Elles étaient donc attribuées au Riss par l'ensemble des auteurs.
Toutefois, des datations par utilisation des cosmonucléides (isotopes produits dans le sol par le rayonnement cosmique) effectuées tout récemment(2003) par Gilles Brocard sur les terrasses du Buëch (Hautes-Alpes) ont montré que, d'une manière systématique, les âges indiqués par les cartes géologiques semblaient devoir être fortement rajeunis.
C'est ainsi que les dépôts des Eygaux de Veyras, à 3 km au SW de Veynes, datés du Mindel par la carte géologique, se sont révélés en réalité d'âge rissien et qu'une autre terrasse, située à Aspres sur Buëch, a été attribuée à un Würm très ancien, entre 60 000 et 75 000 ans et non pas au Riss.
L'avancée majeure du glacier de la Durance, imputée jusqu'à présent au Riss, daterait donc de ce Würm très ancien.
Ceci implique, par extension, que le verrou de Sisteron a été recouvert par les glaces au cours de la dernière glaciation et que le dernier maximum glaciaire du glacier de la Durance [25 000 ans, Jordan, 2000] n'a été qu'un maximum relatif, d'amplitude plus réduite que le précédent.
Ce scénario rend cohérentes les avancées des glaciers de la Durance et du Rhône ainsi que celles d'autres appareils dans d'autres régions du monde : calotte de Grande-Bretagne - Irlande, Himalaya, etc..

Les retombées de ces études présentent donc un très grand intérêt, et, en attendant leur confirmation par de nouvelles datations effectuées sur d'autres sites, il nous semble préférable d'utiliser le terme d'extension maximum des glaciers plutôt que de les affecter un âge.

Nous rejoignons ici la position des géologues anglo-saxons qui utilisent les termes de :
- MEG pour l'extension maximum (Most Extensive Glaciation)
- LGM pour la dernière extension, würmienne (Last Glacial Maximum)


Nous sommes d'ailleurs conscients de l'ambiguïté de ce terme d'extension maximum. Car on ne peut considérer qu'il s'agit là vraiment du maximum atteinte par les glaciers quaternaires; on trouve en effet parfois, très au-dessus de ces " glaciers du maximum ", des vestiges de glaciations beaucoup plus anciennes, auxquels il est difficile, voire impossible dans l'état actuel de nos connaissances, de fixer un âge.
Dans un cas que nous avons traité ailleurs dans ce site, celui de la grotte Vallier, il a été possible de trouver ainsi des preuves d'une glaciation remontant à plus de 780 000 ans.

Même la datation du LGM, pourtant relativement proche de nous, prête à discussion. On pense actuellement que ce dernier maximum glaciaire, tout en restant würmien, se serait placé, non au stade isotopique SI 2, très froid mais sec, mais au stade froid SI 4 ou lors d'un des pics de froid qui ont jalonné le stade isotopique chaud SI 3 et durant lesquels les glaciers auraient bénéficié de précipitations plus importantes.


La formule montre que les surfaces du glacier würmien et de celui du maximum (estimé jusqu'à présent être rissien, dont les fronts ont été distants de plusieurs dizaines de kilomètres et qui atteignaient des niveaux très différents dans le bas des vallées, étaient de plus en plus proches l'une de l'autre au fur et à mesure que l'on remonte celles-ci.
C'est ainsi que dans le cas du glacier de l'Isère, la formule indique qu'à 20 km du vallum terminal würmien, la différence de niveau entre Würm et glacier du maximum est de 266 m alors qu'elle n'est plus que de 200 m à 50 km de celui-ci.
À 100 km, si toutefois la largeur des vallées permettait encore son utilisation - ce qui n'est pas le cas dans les Alpes françaises - la différence de niveau ne serait plus que de 159 m.



Qu'en est-il dans le haut des vallées, dont la faible largeur ne permet plus à la formule de s'appliquer ?

On remarque qu'au-dessus des épaulements, la pente se redresse et ne montre pas de trace d'érosion glaciaire.
On peut donc penser que les sillons ( rocheux ou vallonnés ) les plus élevés que portent ces épaulement sont liés au niveau atteint par les glaces lors du maximum glaciaire (Würm très ancien ou Riss).

Peut-on affirmer que ces formes ont pu résister aussi longtemps à l'érosion ?
Nous pensons que leur situation sur des arêtes ou à des cols, c'est-à-dire dans des sites protégés, très peu exposés à l'érosion postglaciaire, car non dominés par des pentes susceptibles de collecter le ruissellement des eaux pluviales, plaide en faveur d'une bonne conservation.
Seule a pu s'exercer librement l'érosion chimique qui a fait disparaître les formes d'érosion mineures telles que polis glaciaires, stries et cannelures.
Ces formes mineures sont donc, en règle très générale, difficilement imputables à une glaciation antérieure au Würm.

Le Trièves nous fournit à cet égard des renseignements intéressants : la présence de nombreuses formes d'érosion majeures et de dépôts dont l'origine ancienne -- Riss ou Wûrm très ancien, entre 60 000 et 75 000 ans -- est indiscutable, puisque ce bassin n'était pas englacé pendant le Würm plus récent, montre que celles-ci ont très bien résisté à l'érosion.



Sans en faire toutefois une règle générale, nous pensons donc que les sillons rocheux ont été creusés durant ce Würm très ancien, voire pendant le Riss, certains d'entre eux ayant pu être réutilisés lors du Würm plus récent, sous une épaisseur de glace inférieure.

La présence de moraines proches attribuables d'une manière certaine au Riss ou au Würm très ancien permettrait de dater ces formes majeures.
Ceci a été possible dans le cas, examiné plus haut, de l'Eau d'Olle, où une origine très ancienne semble vraisemblable.


UNE REMARQUE D'INTERET GENERAL

L'étude des formes d'érosion -- tout au moins celle des formes majeures (auges, épaulements, sillons rocheux, etc), car les formes mineures (polis, stries, cannelures) sont trop éphémères pour cela -- permet d'aller plus loin, dans la distance et dans le temps, que celle des formes de dépôts (moraines, terrasses fluvio-glaciaires, etc).
Celles-ci conservent cependant tout leur intérêt, car elles permettent souvent d'effectuer des datations.



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