PINGOS, PALSES ET LITHALSES
26


Ces diverses formes périglaciaires, parfois regroupées sous le nom d'hydrolaccolites, comprennent les pingos, les palses et les lithalses.

La plupart d'entre eux sont apparus pendant les époques glaciaires, essentiellement dans le nord de l'Europe ; mais à l'heure actuelle encore, des hydrolaccolites prennent naissance sous les climats froids de l'Alaska et du nord-ouest du Canada par exemple.

En surface, ils se traduisent par des buttes, puis, au réchauffement du climat, apparaissent des mares, généralement circulaires, les cicatrices, fréquemment nommées en France laquets.


Les lentilles de glace résultent de la migration d'eau dans le sol, eau ultérieurement transformée en glace sous l'influence du climat. Cette migration peut-être avoir différentes origines, d'où les diverses appellations : pingos, palses et lithalses.



LES PINGOS

Ici, la migration de l'eau peut être causée :
-- soit par la mise en pression de la nappe phréatique par suite du gel

-- soit par un écoulement gravitaire

On rencontre donc deux types de pingos (mot esquimau) :


Les pingos du premier type sont dits en système fermé ou encore pingos type delta du Mackenzie.
Phase 1 - Un lac protège du gel les terrains situés en dessous de lui, alors que, plus bas, s'étend le pergélisol, qui peut, même à l'heure actuelle, atteindre 600 mètres d'épaisseur.
Phase 2 - Il arrive parfois que le lac se vide ou se remplisse d'alluvions ; le gel pénètre alors progressivement dans les terrains sous-jacents, laissant subsister tout d'abord une zone non gelée au-dessus du pergélisol, zone qui peut être fermée de toutes parts.
Phase 3 - L'augmentation de volume due au gel de l'eau située dans le terrain en cours d'engel engendre une mise en pression. Profitant d'un point faible, une partie de l'eau remonte, donne naissance à une lentille de glace d'injection qui soulève le sol. Un pingo prend naissance.
Le phénomène peut se reproduire chaque année, entraînant l'augmentation progressive de la taille du pingo.
Après le froid de la glaciation, le climat se réchauffant, la lentille de glace commence à fondre.
L'érosion s'attaque au pingo, essentiellement par coulées de solifluxion, mais aussi par l'action des pipkrakes.

Les terrains emportés par la solifluxion édifient parfois autour du pingo une sorte de margelle, un rempart
.
Le réchauffement continuant, la glace disparaît complètement ; une cicatrice apparaît à la place du pingo, souvent occupée par une mare, souvent appelée laquet.
Un rempart peut ou non exister selon les cas.


On peut se demander dans quelles circonstances un lac peut se vider. Ce n'est pas courant !
Mais le delta du Mackenzie, au Canada, n'est pas un endroit ordinaire !
Outre les lacs très nombreux (taches noires sur la photo) - entre lesquels il a cependant été possible de tracer une route (flèches blanches) - le delta abrite 1400 pingos en cours d'évolution.
Au large, ont été recensés 200 pingos sous-marins, édifiés, peut-être, au maximum de la glaciation, où le niveau des mers était inférieur à l'actuel.

Image Internet



Les pingos du deuxième type sont ceux en système ouvert parfois dénommés pingos type Groenland.
Ici, point n'est besoin de lac.
L'eau circule dans une couche de terrain situé entre le bedrock (ou un pergélisol) et la couche supérieure du terrain soumise au gel hivernal.
Si, comme en X, l'écoulement vient à se bloquer, l'eau remonte et, comme dans le cas précédent, donne naissance à une lentille de glace.
Les phases d'évolution suivantes seront les mêmes que ci-dessus.


Les pingos peuvent atteindre des dimensions assez importantes: jusqu'à 70 mètres de hauteur et 600 mètres de diamètre. Généralement circulaires, ils peuvent parfois présenter des formes plus allongées.Sur l'île Prince Patrick (Canada) Pissart a observé une forme de 1300 mètres de longueur et de 9 mètres de d'élévation.
Un réseau de fractures radiales apparaît parfois à la partie sommitale de pingo.
D'autres ressemblent à des cratères volcaniques qui présentent une certaines analogie de forme avec de petits appareils islandais. Leur sommet est le plus souvent alors occupé par un petit étang.
Les pingos sont rarement groupés.
En Alaska, par exemple, on compte 10 pingos sur un territoire de 260 km2.



EXEMPLES DE PINGOS

Pingo en formation au Canada
Image Internet


L'Ibyuk pingo, qui, du haut de ses 48 m d'élévation, domine le delta du Mackenzie, pourrait avoir mille ans d'âge.
Image Gouvernement canadien


Un autre pingo au Canada, dans son environnement.... humide.
Image Internet





LES PALSES ET LES LITHALSES

Ici la migration de l'eau n'est pas liée à la présence d'un lac ou d'un terrain en pente comme pour les pingos.
Il semble que le moteur de cette migration soit une différence de conductibilité thermique du sol.
L'eau se rassemble alors en des lieux propices où, durant la saison froide suivante, elle donnera naissance à une lentille de glace.
Si le terrain poreux est constitué de tourbe, on aura affaire à une palse.
S'il est formé de sédiments sableux ou encore de tufs volcaniques, ce sera une lithalse (ou palse minérale) qui prendra naissance.

Les palses et les lithalses sont rarement isolés et se groupent par dizaines ou par centaines (on parle ainsi de champs de laquets) ; leur diamètre va de quelques mètres à quelques dizaines de mètres.



EXEMPLES DE CICATRICES DE PINGOS ET DE LITHALSES

Près de Sersheim (Bade-Würtemberg, Allemagne), une dépression circulaire, généralement considérée comme une cicatrice de pingo.
Son environnement (terrain horizontal, dépourvu de traces d'ancien lac) nous incline plutôt à considérer qu'il s'agit plutot d'une cicatrice de lithalse.
Diamètre de l'ordre de 80 mètres.
Des cicatrices de lithalses, les viviers des Hautes Fagnes (Ardennes belges).
On a pu dater ces formes du Dryas récent (vers 10 000 à 12 000 ans BP).

Photo Albert PISSART
Cicatrice de pingo au Canada, avec un imposant rempart.

Photo Th.Vincent
Sur une plage près de Nantes, ces formes dans la falaise sont considérées comme la cicatrice d'un pingo.

Image Internet


En France, à l'heure actuelle, n'apparaissent, bien entendu, plus de pingos.
Mais ceux créés lors de la dernière glaciation ont donné naissance à des formes parfois encore très visibles.
Dans l'Aubrac, près de Nasbinals (Lozère), les nombreux laquets sont souvent considérés comme des cicatrices de pingos, quoique d'aucuns les considérent comme étant des kettles.
Leur grand nombre ainsi que le fait qu'ils sont formés dans des tufs volcaniques spongieux nous incite toutefois à penser qu'il peut s'agir de lithalses, mais nous n'avons pas visité ce site.
On trouve également des cicatrices de pingos dans le Nord de la France ainsi que dans le Berry (ce sont alors des mardelles)ou en d'autres régions de France et de Belgique.

Jusqu'à présent, aucune cicatrice de pingo n'avait toutefois été signalée dans les Alpes.
Nous pensons toutefois avoir identifié un champ de laquets, cicatrices de lithalses remplies d'eau, près du col de Cenise dans le massif des Bornes (Haute-Savoie), au-dessus du Petit Bornand.
Les deux photos qui suivent sont donc relatives à ce site et nous renvoyons le lecteur intéressé par des précisions complémentaires à la page Préalpes du Nord

Voici ce que nous considérons comme un champ de laquets, près du col de Cenise...
... et l'un de ces laquets.


Ne pas confondre pingos et kettles, même si leurs cicatrices présentent une certaine convergence de formes !
Les pingos, de même que les palses et les lithalses, sont des formes périglaciaires engendrées par des circulations d'eau dans le sol.
Les kettles sont des formes glaciaires, résultant du transport par un glacier d'énormes masses de glace protégées de la fusion par des pierrailles.
Les pingos sont créés souvent très loin des glaciers, alors que les kettles ne se rencontrent que sur les flancs des vallées parcourues jadis par ceux-ci et surtout aux environs de leur vallums terminaux.
Plus amples détails à la page ôs et kettles.

Cette page doit beaucoup aux articles du Professeur Albert Pissart (Université de Liège, Département Géomorphologie et Géologie du Quaternaire) paru dans les « Documents de la Station Scientifique des Hautes Fagnes » en 1986, 1999 et 2000.On pourra consulter son site http://home2.planetinternet.be/jean17/af/affrancais/lithalse.htm