Pendant le Würm, le glacier du Drac, grossi par la diffluence durancienne qui franchissait le seuil Bayard, a déposé son vallum frontal à Saint Eusèbe, à 1020 m d'altitude [Monjuvent, 1978].
La surface pléniglaciaire calculée par la formule à partir de ce vallum terminal se raccorde bien à celle de la selle glaciaire du col Bayard : 1500 m d'altitude au stade durancien du Grand Bois.
Voir la page "Vallée de la Durance"
De nombreux dépôts glaciaires (enduits morainiques ou moraines elles-mêmes) ont été conservés sur les deux rives du Drac, entre ce vallum et la confluence du Drac Blanc et du Drac Noir ; leur situation fournit une confirmation correcte de la validité de la formule, tant que la largeur de la vallée reste supérieure à 4 km, c'est-à-dire en aval de Pont du Fossé.
Ces dépôts se situent tous en effet à quelques dizaines de mètres sous la surface calculée, soit que leurs sommets aient été érodés, soit que le stade du Grand Bois n'ait pas duré assez longtemps pour marquer durablement le paysage. Ils appartiendraient alors au stade du Poët.
La diffluence durancienne passant à l'est du Puy de Manse par le Collet (1425 m) emportait au passage, avant de rejoindre le glacier du Drac, le petit appareil local de la Rouanne.
À la jonction des trois glaciers, le bassin d' Ancelle était rempli de glace jusqu'à une cote que le calcul permet d'estimer à 1550 m ( Grand Bois ) ou 1500 m ( Poët ). Selon ce schéma, la belle moraine de Coste Longue, rive gauche du Drac, qui s'élève à 1421 m, aurait donc été déposée à la décrue glaciaire, après cessation de la diffluence durancienne.
Le calcul de la surface du glacier, effectué pour différentes positions de son front lors de la décrue, montre en effet que la moraine de Coste Longue s'est déposée sensiblement au moment où la glace cessait de franchir le Collet (les altitudes de ces deux points sont d'ailleurs les mêmes). L'extrémité du glacier se situait alors vers Saint-Laurent-du-Cros, 18 km en amont du vallum frontal de Saint Eusèbe.
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La surface du glacier est représentée en bleu. Les flêches figurent le mouvement des glaces. La moraine de Coste Longue culmine à 1421 m. |
L'extension maximum des glaciers dans le Bassin du Drac
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Le Bassin du Drac, tout particulierement le Trièves constitue une région particulièrement intéressante pour deux raisons :
- C'est un des rares domaines où les vestiges glaciaires peuvent être, en toute certitude, datés de la phase d'extension maximum des glaciers ( MGM).
En effet on sait [Monjuvent, 1978] qu'à cette époque, une diffluence du glacier durancien empruntait le seuil Bayard et que, renforcée plus en aval par les apports des appareils issus du sud du massif du Pelvoux (Drac, Séveraisse, Bonne, Malsanne ), elle rejoignait le glacier de l'Isère à Grenoble.
Au Würm, par contre, le Trièves était libre de glaces et occupé par un lac dans la surface s'établissait à 750 m environ
- Il est donc possible d'apprécier dans quelle mesure des formes aussi anciennes ont pu subsister jusqu'à nos jours.
Entre les niveaux du pléniglaciaire de 1650 m environ au seuil Bayard (Voir la page "Vallée de la Durance") et 1310 m au-dessus de la cuvette grenobloise [Monjuvent, 1978], les sites que nous avons pu observer dans le Trièves et les vallées adjacentes nous ont permis de tracer un schéma de circulation des glaces dans cette région.
Les pentes de la surface sont partout bien inférieures à celles que fournirait la formule, appliquée à un glacier dont le vallum terminal se situait dans la vallée de l' Isère à 56 km en aval de Grenoble, à l'altitude de 250 mètres [Monjuvent, 1978] et, ce, en dépit de la grande largeur de la vallée qui permettrait son application.
Il ne faut pas s'en étonner car la surface d'un glacier n'obéit à la formule que si sa langue terminale est libre de fixer sa position, ce qui est le cas d'un appareil pouvant circuler librement dans une vallée suffisamment large .
Si, par contre, il rejoint un autre glacier qui lui impose son altitude terminale, la formule ne s'applique pas.
Ici les altitudes étaient fixées par le glacier de la Durance (1650 m au col Bayard) et celui de l' Isère (1310 m sur Grenoble).
Entre ces deux points la pente moyenne de 0,4 % suffisait, dans une vallée de grande largeur (8 à 16 km) à évacuer le flot de glace relativement réduit provenant de la diffluence durancienne grossie des affluents peu importants du sud du massif du Pelvoux.
Quant à la maigre diffluence qui empruntait, au-delà du col de la Croix-Haute, la vallée du Buëch et qui venait mourir 4,5 km plus loin au hameau des Mièlons [Monjuvent, 1978], elle n'affectait que très faiblement le mouvement des glaces dans le Trièves.
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La surface du glacier est représentée en bleu. Les glaciers affluents (Bonne, Séveraisse, Dévoluy, etc ) ne sont pas représentés.
Les flêches figurent le mouvement des glaces.
Les tiretés en gras représentent les lignes du relief masquées par la glace et les pointillés les courbes de niveau de la surface des glaciers.. |
Reste à déterminer lors de quelle glaciation les glaciers ont atteint cette extension maximum.
L'ensemble de la documentation existante attribue cette extension maximale au Riss et c'est l'option que nous avions prise dans les éditions précédentes de cette page.
Il semble toutefois, sur la base des récents travaux de Gilles Brocard (2003), qu'une autre interprétation soit possible et que les sites qui figurent sur les tableaux et sur la carte ci-dessus doivent être datés d'un Würm très ancien, entre 75 et 60 ka.
Le lecteur intéressé pourra se reporter à la page Glaciation responsable du modelé glaciaire
Quoi qu'il en soit, on ne peut manquer d'être frappé par la différence dans le volume des glaces qui remplissaient le bassin du Drac au MGM (Riss ou Würm très ancien) et au LGM (Würm récent) : au MGM, le bassin était occupé par un glacier important, dont l'épaisseur variait de 400 m au seuil Bayard à plus de 1000 mètres sur Grenoble, alors qu'au LGM la vallée était libre de glace et occupée par des lacs.
Le dernier de ces stades glaciaires était, certes, moins important que le précédent, mais cette différence ne se traduisait que par une baisse relativement modérée de la diffluence durancienne qui transitait par le seuil Bayard :1550 m au lieu de 1650 m.
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L'extension maximum des glaciers dans la vallée de la Malsanne |
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Dans cette vallée, située au sud du col d'Ornon, nous disposons des six sites suivants :
- Les Prairies de l'Alpe (site BD 10, altitude 1850 m), dépôts glaciaires rissiens figurant sur la carte géologique La Mure, sur une arête où ils n'ont pu être abandonnés que par le glacier de vallée.
- Le site de La Montagne (site BD 11, altitude 1800 m), qui indique une surface de glacier voisine de 1900 m.
- La moraine de Plancol (site BD 12, altitude 1920 m) donnée comme post-würmienne par la carte géologique La Mure, mais que sa colonisation parfaite par la végétation nous incite à dater plutôt du Riss ou, selon la remarque faite précédemment, d'un Würm très ancien.
La forme rectiligne de cette moraine, située au col même, plaide pour une formation commune aux deux glaciers qui s'y affrontaient : celui du Grand Armet, en route vers la Roizonne et le Drac et celui du Rochail.
- Le rebord d'auge situé sous les Mayes (rive gauche de la Lignarre, site BD 14, altitude 1820, soit une surface de glacier proche de 1920 m).
- Le rebord d'auge BD22, à la cote 1840 m, situé sur l'épaule de l'arête nord-ouest de la Tête de Louis XVI. Au dessus de ce rebord s'étend, sur 200 m une épaule pratiquement horizontale, à 1844 m.
Ceci met la surface du glacier à cet endroit à 1940 m environ.
La prise en considération de ces sites conduit à une altitude de surface du glacier du maximum voisine de 1920 m dans les parages du col d'Ornon.
Rapproché de la valeur 1850 m au-dessus du Bourg d'Oisans, ce chiffre permet de penser que le glacier ouest du Rochail jouait ici un rôle prépondérant. Parvenu dans la vallée de la Malsanne, il envoyait bien une partie de ses glaces rejoindre, par le Valbonnais, le glacier du Drac mais une autre partie diffluait, par le col d'Ornon, vers la Romanche.
Il existait donc alors, à 1920 m environ, une selle glaciaire au dessus de Chantelouve.
Ce fait est confirmé par les dépôts du site BD23, qui se révéle le plus interessant, bien que, n'ayant pas dépassé l'altitude de 1650 m, nous ne puissions préciser pour l'instant la cote maximum des dépôts.
Les travaux de terrassement de la piste de ski ont en effet amené au jour de nombreux éléments cristallins. Il s'agit de granite du Rochail, qui ne peut provenir que de la vallée voisine du lac du Vallon, 4 km plus au sud.
Ceci permet donc d'affirmer que, pour un niveau assez élévé du Riss, les glaces s'écoulaient bien, dans cette partie de la vallée, du sud vers le nord.
A la décrue glaciaire, par contre, la faible altitude du Rochail ne devait pas permettre le maintien de cette situation et le col d'Ornon devait laisser passer une diffluence dans le sens nord-sud, ce qui était également le cas pendant le Würm [Monjuvent 1978].
À l'appui de cette thése on notera que le profil en long des vallées, supposées débarrassées de leur remplissage post-würmien - bien que la position exacte du "vrai" col d'Ornon sous ce remplissage ne soit pas connue - montre une pente sensiblement égale des deux versants du col et non un profil classique dissymétrique de diffluence.
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