LA BASSE VALLEE DE L'ISERE
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Le lecteur pressé pourra se contenter d'un simple coup d'oeil sur le graphique ci-dessous, qui présente les sites caractéristiques ( crêtes et dépôts morainiques ) que l'on peut rencontrer en suivant le cours de l'Isère en aval de Grenoble et passer directement à la conclusion.





La courbe "Würm théorique" est celle obtenue par application de la formule de Nye-Lliboutry, en prenant en compte une origine située 40 km en aval de Grenoble, à l'altitude de 200 m.
La courbe " Riss théorique " est, de même, obtenue en prenant en compte une origine située 56 km en aval de Grenoble, à l'altitude de 250 mètres.
Ces données de base résultent des travaux de G. Monjuvent.








Les sites caractéristiques figurant sur les documents ci-dessus proviennent de la carte géologique au 1/50 000 " Grenoble " ainsi que des cartes " Stratigraphie des Formations Détritiques du Néogène supérieur et du Quaternaire " établies par Pierre Mandier.


UNE PREMIERE CONCLUSION

Le graphique ci-dessus montre que les sites würmiens situés en amont de Voreppe se placent très correctement par rapport à une courbe dont l'origine se situe 40 km en aval de Grenoble, à une altitude de 200 m.
( Rappelons que la courbe est l'enveloppe supérieure des altitudes des sites et non la moyenne de ces altitudes )
.

Ce fait n'est pas nouveau : en effet, les sites A (moraine du Marais) et B (moraine des Guillets) ont déjà été décrits par G Monjuvent, qui a souligné également leur positionnement correct par rapport à la courbe.



LE GLACIER WÜRMIEN

Une difficulté surgit toutefois lorsque l'on cherche à déterminer, grâce à la formule, la position du vallum terminal würmien, dont il ne reste aucune trace.
Cette difficulté est due au coude prononcé que faisait le glacier pour contourner le
Bec de l'Echaillon.
Selon quel tracé faut-il mesurer les distance ? La figure ci-dessous montre que l'on peut en effet envisager plusieurs possibilités.

Le tracé 1 suit au plus près la rive gauche de la vallée, sensiblement au-dessus du cours actuel de l'Isère dans le contournement du Bec de l'Echaillon.
En le suivant , les 40 km mesurés à partir de Grenoble aboutissent sensiblement à Saint Vérand, 4 km en aval de la ligne Têche / Cognin-les-Gorges ( elle même située 3 km en aval de Vinay ) figurant sur le croquis .
Le tracé 2 passe sensiblement au milieu de la vallée de l'Isère. Selon ce tracé, la distance de 40 km est atteinte sensiblement à la ligne Têche-Cognin-les Gorges.
Enfin, le tracé 3 suit la rive droite de la vallée, au-dessus de Moirans et Tullins et se termine, lui aussi, à 40 km de Grenoble, 1 km en amont de Rovon.

L'incertitude sur la position du vallum terminal est, on le voit, d'une dizaine de kilomètres.
L'utilisation de la formule se révèle donc, a priori, impossible en aval de Voreppe.

Pour lever cette indétermination, il convient d'examiner les dépôts et crêtes morainiques qui subsistent sur le terrain.

L'existence, au nord-est de Vinay, d'une crête morainique à Révolière, à la cote 384 m ( site repéré S ), donc en aval de Rovon, suffit à éliminer le tracé 3.
L'absence de dépôts morainiques en aval de ce site S nous amène à préférer le tracé 2, qui suit sensiblement le milieu du lit majeur de la vallée de l'Isère.
Nous situons donc l'origine des distances sur cette ligne Têche / Cognin-les Gorges, tout en sachant que par suite de l'effet de langue, le glacier a pu parvenir en réalité un peu plus loin, par exemple à l'extrémité aval de la terrasse de Vinay, ainsi que peut le laisser penser l'existence à cet endroit d'une courte vallée morte collée contre la rive droite.

Ceci nous améne à effectuer une distinction entre l'origine adoptée pour les distances, que l'on pourrait définir comme étant en quelque sorte un vallum frontal virtuel, distinct du vallum frontal réel, qui, lui, est identifiable sur le terrain.
Ce vallum frontal réel a, malheureusement, souvent été emporté par l'érosion, ce qui est le cas, rappelons-le, dans cette basse vallée de l'Isère.




TROIS SITES CARACTERISTIQUES

Le premier de ces trois sites pose un problème délicat ; il s'agit des kettles que porte la terrasse de Vinay.
On peut observer en effet trois de ces formations, repérées en AA, sur la partie nord de cette terrasse, aux points de coordonnées UTM ( en système WGS 84 ) :
X = 692700 Y = 5009100,
X = 693100 Y = 5009300 et
X = 693200 Y = 5009600.
Ces entonnoirs, d'une centaine de mètres de diamètre et d'une quinzaine de mètres de profondeur, remplis de broussailles ou de noyers, sont creusés dans une des terrasses fluvio-glaciaires que les cartes " Stratigraphie des Formations Détritiques du Néogène supérieur et du Quaternaire " établies par P.Mandier datent d'une phase de décrépitude du glacier de l'Isère.
Or ces kettles se situent à 6,5 km en amont de la ligne Têche / Cognin-les Gorges. Il faudrait donc admettre que, lors de cette phase de décrépitude, le glacier a rejoint à peu près son extension maximum du Würm II.
Cette remarque étonnante serait d'ailleurs encore plus fondée si l'on admettait, à la suite de G.Monjuvent, que le glacier n'a pas dépassé Rovon, puisque les kettles sont situés en face de ce village.
La cause de ce fait curieux pourrait-elle être un surge (crue glaciaire subite) ?

Pour en savoir plus sur les surges

Un deuxiéme site caractéristique remarquable est celui de la vallée morte du Molèron, au-dessus de Saint-Gervais ( site repéré Z ).
Il s'agit d'une très belle petite vallée morte, au profil typique de diffluence - c'est-à-dire en pente légère vers l'aval - qui présente des dépôts que la carte géologique au 1/50 000 Grenoble date du Riss.
L'examen du graphique ci-dessus montre que cette attribution n'est pas évidente.
En effet, l'altitude de cette vallée du Molèron est assez basse pour qu'elle ait été empruntée par le glacier würmien et les dépôts pourraient être envisagés comme datant de cette époque.
En effet, s'ils étaient rissiens, on pourrait s'étonner qu'ils ne soient pas recouverts de dépôts würmiens, puisque le glacier de la dernière glaciation a également, d'après la courbe ci-dessus, emprunté la vallée morte du Molèron.



Enfin, un dernier site, celui d'Espagne, à Mont-Saint-Martin (site D), en amont de Voreppe, nous permet une remarque d'intéret général :
A Espagne (site D), les terrains glaciaires würmiens s'élévent à 960 m.
Or, lorsqu'on s'éloigne de la vallée de l'Isère en remontant le vallon de Lanfray, une moraine, cachée dans la forêt, vient barrer le fond du vallon, 500 m après Mont-Saint-Martin. Sa crête cote 930 m.
Partant du site D, l'application de la formule conduirait, dans le fond du vallon de Lanfray, à une altitude de 820 m , bien inférieure à la réalité.
La formule ne s'applique donc pas dans ce cas, celui d'une vallée "ascendante", application de ce que nous disions à la page le traitement mathématique théorique de la question.





LE GLACIER RISSIEN

Parvenu à l'issue de la cluse de Voreppe, le glacier de l'Isère s'étalait dans les plaines de piémont en un immense lobe, commun avec celui du Rhône et recouvrant les environs de Voiron, la basse vallée de l'Isère, la Bièvre et la Valloire.

Il n'est pas facile de déterminer si la forêt de Chambaran, le terrain de manoeuvres qui lui fait suite et la forêt de Bonnevaux ont été recouvert par le glacier rissien.
Le lecteur intéressé pourra consulter la page consacrée à ce problème :
Pour en savoir plus sur la Bièvre-Valoire
.

Nous l'avons dit plus haut, l'application de la formule à partir d'un vallum frontal rissien situé à 56 km de Grenoble (soit dans les environs de Saint-Nazaire-en-Royans), à la cote 250 m (valeurs indiquées par G. Monjuvent) conduit à un résultat très exact pour le site rissien de Saint-Nizier-du-Moucherotte (repéré T), que nous décrivons plus en détail à la page Les diffluences de Saint Nizier du Moucherotte.
Compte tenu de l'absence de tout dépôt à cet endroit, nous considérons ce vallum frontal comme le vallum frontal virtuel rissien dans la vallée de l'Isère.
Bien entendu, il s'agit là du vallum virtuel, le glacier étant, en réalité, parvenu plus loin, compte tenu de l'effet de lobe.

Aucun dépôt de cette glaciation n'est mentionné, dans les documents en notre possession, en particulier sur les cartes établies par P. Mandier, en aval de celui de Rolland ( site T ), ce qui ne peut manquer d'étonner.
Si l'on s'en tient à ces documents, les glaciers würmien et rissien se seraient avancés pratiquement jusqu'au même endroit dans la basse vallée de l'Isère, alors que, nous le verrons plus loin, leurs fronts étaient très éloignés l'un de l'autre en Bièvre - Valloire.
Il en résulterait également que, plus en amont dans les vallées de l'Isère et de ses affluents, les surfaces des glaciers se seraient élevées au même niveau, car on ne voit pas pourquoi la formule qui s'applique très correctement aux glaciers würmiens ne le ferait pas pour les glaciers rissiens.
Inutile de préciser que cette hypothèse est contredite par toutes les observations que l'on peut effectuer dans ces vallées.
On peut certes imaginer que la totalité des dépôts rissiens les plus élevés de la basse vallée de l'Isère a été emportée par l'érosion interglaciaire et postglaciaire.
Nous avouons être sceptiques - car certains dépôts se situent dans des sites protégés - sans toutefois être en mesure de proposer une explication valable.



COMMENT AVONS-NOUS DETERMINE LE TRACE DU LOBE ISEROIS ?

Le vallum frontal du glacier dans la Bièvre -- bien conservé pour une fois -- figure sur les cartes géologiques, tant au 1 / 50 000 qu'au 1 / 250 000. Il se situe 4 km à l'est de Beaurepaire. Son altitude peut être estimée à 300 mètres.
L'altitude du glacier à Voreppe (1144 m) a été calculée à l'aide de la formule, celle-ci s'appliquant correctement aux dépôts situés plus en amont.
La position du vallum terminal dans la vallée de l'Isère est plus difficile à déterminer car il ne subsiste aucun dépôt.
Des considérations géométriques nous inclinent à penser que le glacier a pu parvenir jusqu'à Saint-Hilaire-du-Rosier, voire même à Saint-Lattier, à une quinzaine de kilomètres en amont de Romans-sur-Isère
Quant aux courbes de niveau de la surface du glacier, ne pas croire qu'elles ont été tracées au « pifomètre »! Leur position résulte de la comparaison avec des lobes de glaciers actuels du Spitzberg, d'Islande et d'Alaska.
Nous vous invitons à visiter la page correspondante Les glaciers d'Alaska, d'Islande et du Spitzberg, où vous pourrez trouver quelques images étonnantes de ces glaciers nordiques.




EN CONCLUSION

De ce qui précéde, il nous semble possible de conclure que la formule de Nye-Lliboutry rend correctement compte de l'altitude de surface du glacier würmien de l'Isère, dans la basse vallée de l'Isère.
Cette conclusion rejoint et conforte celle que l'on peut tirer de l'étude du glacier de l'Isère en amont de Grenoble.
Des problèmes subsistent lorsque l'on considère le glacier rissien.


Pour en savoir plus sur:
La Bièvre-Valloire et les forêts de Bonnevaux et de Chambaran