Deux méthodes peuvent être utilisées pour déterminer l'altitude atteinte par les glaces dans les vallées alpines :
-- une méthode théorique, utilisant une formule mathématique qui reflète les propriétés physiques de la glace
-- une méthode basée sur l'observation directe du modelé glaciaire dans les paysages.
Ces deux méthodes d'analyse morphologique glaciaire se complètent, mais l'approche théorique du problème ne peut s'appliquer qu'à des vallées très larges, comme c'est le cas des parties inférieures des vallées du Rhône, de l'Isère et de la Durance. Plus haut dans les vallées, là où les effets de parois se faisaient sentir, la formule ne s'applique plus, mais garde le mérite de fournir une valeur minimum de l'altitude des glaces.
En dessous d'une valeur que l'on peut estimer à 4 km très approximativement, seul l'examen du modelé glaciaire pourra donc permettre de déterminer l'altitude atteinte par les glaces dans les vallées.
Les repères morphologiques que l'on peut utiliser pour cette étude sont les suivants -- et le lecteur retrouvera là quelques-unes des pages qu'il vient de parcourir :
-- les roches moutonnées et autres formes mineures
-- les rebords d'auge et les épaulements
-- les moraines latérales et les dépôts glaciaires
-- les sillons marginaux d'épaulement et de diffluence
LA METHODE Les tableaux que l'on pourra consulter sur les pages "Pour en savoir plus" relatives à chaque vallée regroupent les principales caractéristiques des sites utilisés (roches moutonnées, rebords d'auge, épaulements, moraines, dépôts morainiques et sillons marginaux). Nous avons reporté ces points sur des graphiques relatifs à chacune des vallées étudiées, ainsi que les surfaces pléniglaciaires würmiennes et rissiennes déterminées à l'aide de la formule. Nous avons enfin tenté une reconstitution de la surface du pléniglaciaire en utilisant la position des sites caractéristiques et en tenant compte des règles suivantes : - La courbe doit passer par le sommet des moraines latérales - Enfin, la trace doit toujours être ascendante lorsqu'on remonte la vallée. Cette condition évidente permet de ne pas tenir compte des sites - très rares d'ailleurs - datant des stades de retrait.
Les points représentatifs des affluents ont été portés à titre d'information complémentaire. On peut voir que la pente des affluents est toujours supérieure à celle des glaciers de vallées. |
LES RESULTATS EN QUELQUES LIGNES
On peut donner les ordres de grandeur suivants de l'altitude atteinte par les glaciers au dessus de quelques points caractéristiques de diverses vallées : Vallées de la Romanche et du Vénéon : - Le Bourg d'Oisans : 1760 m au Würm, 1850 m au Riss
- Col du Glandon : 2300 m - La Grave : 2500 m - La Bérarde : 2600 m Vallée de l'Isère : - Grenoble : 1220 m au Würm, 1310 m au Riss
Vallée de l'Arc :- Albertville : 1900 m - Moûtiers : 2000 m - Bourg Saint Maurice : 2200 m - Saint Jean de Maurienne: 2100 m Vallées de la Durance et de ses affluents :- Embrun : 1800 m au Würm - Briançon : 2150 m au Würm - Abries : 2500 m |
Nos conclusions seront les suivantes : - La formule de Nye-Lliboutry, qui s'applique correctement dans le cas de vallées suffisamment larges, se trouve en défaut lorsque celles-ci deviennent trop étroites. L'étude des glaciers alpins actuels montre que, lorsque la largeur de la vallée devient inférieure à 3 ou 4 km, la surface de la glace se situe à une altitude supérieure à celle indiquée par la formule. - L'analyse morphologique glaciaire permet de déterminer l'altitude maximum atteinte par les glaciers lors des dernières glaciations en utilisant les repères morphologiques que constituent les moraines, les dépôts glaciaires, les roches moutonnées ainsi que les sillons marginaux. Ces derniers, bien que peu étudiés jusqu'à présent, sont relativement abondants dans les hautes vallées et des critères de reconnaissance permettent de les identifier dans les paysages. En définitive, s'il est certain que la méthode d'analyse morphologique glaciaire utilisée, basée essentiellement sur l'examen des repères morphologiques et le tracé de graphiques, permet une meilleure connaissance de l'altitude de la surface des glaciers, il apparaît que des études complémentaires sont nécessaires, en particulier : - détermination plus précise de l'épaisseur de glace nécessaire au façonnement des roches moutonnées, des rebords d'auge et des sillons rocheux et vallonnés - recherche de sites caractéristiques complémentaires à ceux étudiés ici, en particulier dans les vallées de l'Isère et de l'Arc - extension du domaine étudié à la vallée du Rhône en aval du Léman - attribution plus précise des repères morphologiques au Riss ou au Würm. |